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Le bac, une machinerie certifiée ISO 9001
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Publication : 18 / 06 / 2009
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Caque année, c'est un miracle. En juin, la France passe le bac et l'énorme machine à fabriquer du parchemin se remet en branle. Cette année, dès le 18 juin, 622 322 candidats noirciront quatre millions de copies qui seront corrigées par 150 000 correcteurs. L'antique mécanique, déraisonnablement coûteuse, implique une organisation démentielle. Et pourtant, réglée comme un coucou suisse, elle tourne... Sans être, cependant, à l'abri de la catastrophe.

Une enveloppe qui s'égare, une photocopie mal faite, un enseignant prévenu trop tard... Que la malchance s'en mêle, les grains de sable s'ajoutant aux grains de sable, et la machine devient infernale. Les organisateurs savent bien qu'une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de leur tête. Lestée du poids de symbole national, sa chute ferait du dégât...

En Ile-de-France, le Service interacadémique des examens et concours (SIEC) a donc décidé de faire un pas supplémentaire dans la qualité du service rendu aux citoyens. Dans la région parisienne, le bac est certifié ISO 9001 depuis 2007.

De fait, organiser cette épreuve en région parisienne implique une logistique aussi importante que celle déployée par toutes les académies du sud du pays ! Concrètement, la certification est accordée par l'Association française de normalisation (Afnor) pour trois ans. Le certificat atteste que la Maison des examens respecte un certain nombre de procédures, inspirées d'un référentiel international, pour organiser concours et examens.

Car la démarche qualité concerne toutes les épreuves organisées par le SIEC. De même, elle s'applique à tout le processus, de l'inscription du candidat à la correction de sa copie. Par exemple, la préparation des sujets. Auparavant, les autorités académiques les avalisaient juste avant qu'ils ne soient transmis à l'imprimerie. Aujourd'hui, une première lecture est organisée avec les recteurs et les inspecteurs plusieurs mois avant l'épreuve, en décembre. Ils nous donnent leur avis, explique Stéphane Kesler, directeur du SIEC. La démarche qualité permet, en améliorant son fonctionnement, de combattre l'image de grosse machine technocratique, impersonnelle, opaque qu'avait la Maison des examens, mais cela permet également un meilleur pilotage pédagogique. Résultat ? Ça marche, poursuit M. Kesler. Nous avons beaucoup moins d'alertes-sujet. L'alerte-sujet, c'est lorsqu'une question ou un problème est mal fichu. On s'en aperçoit le plus souvent pendant l'épreuve, et il faut évidemment réagir très rapidement.

Tout cela a un coût, 50 000 euros par an en moyenne, soit 12 centimes d'euros pour chacun des 400 000 candidats en Ile-de-France. Mais la démarche qualité donne la garantie au candidat que tout se fait dans des conditions satisfaisantes, se réjouit Bernard Thomas, le médiateur de l'éducation nationale. Certes, cela ne résout pas le problème de fond : le bac doit-il être délivré dans ces conditions ? Mais si le produit n'est pas le meilleur, il est au moins conforme à la réglementation. C'est en outre l'espoir d'avoir moins de réclamations, et en particulier moins de réclamations fondées.

De fait, parmi les 7 000 réclamations que le médiateur reçoit chaque année de la part des usagers et des personnels, 500 concernent le bac. L'une des questions récurrentes a trait à la notation. Commence alors un processus délicat qui serpente à équidistance du légitime besoin de comprendre du candidat déçu et de la souveraineté du jury. Dans une dizaine de cas, l'affaire se termine devant le tribunal administratif. Mais les décisions favorables aux élèves sont très rares, observe le médiateur.

Le sentiment, chez les citoyens, que tout aura été fait correctement réduira peut-être ces contestations à la part la plus insignifiante. C'est le pari. Car, à la limite, la certification en tant que telle est secondaire, explique M. Kesler. Notre objectif premier, c'est de changer le rapport au bénéficiaire. C'est une révolution culturelle. Etre transparent, communiquer, rendre compte, accepter la critique en lieu et place d'une culture hiérarchique, autoritaire, bref de l'administration à la papa.

Cette dynamique d'amélioration du service rendu se développe d'ailleurs très bien dans le secteur de l'éducation et de la formation. La progression est de 15 % à 20 % par an, souligne Thierry Desmée, à l'Afnor. Le SIEC est le seul centre d'examens à avoir reçu la certification ISO 9001, mais des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), des Gretas (formation continue pour adultes), des instituts universitaires de technologie (IUT) l'ont également demandé, et obtenu.

Mais, précise M. Desmée, ce n'est pas un diplôme à vie. Chaque année, nous vérifions sur le terrain que l'organisme respecte toujours les normes. Le SIEC lui-même fait réaliser des enquêtes tous les ans auprès des candidats, mais également auprès des chefs d'établissement et des professeurs qui corrigent les copies. Car l'amélioration du service public doit également profiter aux fonctionnaires.

Nous obtenons 90 % de satisfactions chez les candidats, assure M. Kesler. Les chefs d'établissement sont également satisfaits, mais pour les correcteurs, c'est plus mesuré. Ils se plaignent de ce qu'il y ait trop de copies, des délais d'indemnisation ou de convocation.

Ce que confirme Dominique Chauvin, secrétaire académique adjoint du SNES-FSU à Créteil. Avant, il fallait parfois une année pour que tous les collègues soient payés, dit-il. C'est vrai que, globalement, les choses s'améliorent. Le SIEC a fait un effort. ils nous ont consultés, et ont pris en compte nos remarques. Mais il y a encore des problèmes.

Pour que la certification entre dans les mœurs, cela prendra du temps, reconnaît M. Kesler. Un, deux, cinq ans...

Benoît Floc'h



Source Le Monde