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La France, championne du stress en entreprise
Article
Publication : 13 / 06 / 2012
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Certains �v�nements, qui auraient pu passer inaper�us dans un autre contexte, prennent parfois une ampleur m�diatique impr�visible, et sont per�us, � tort ou � raison, comme les r�v�lateurs de ph�nom�nes de soci�t�.
Ainsi, les suicides au travail qui ont marqu� l'actualit� de ces derni�res ann�es ont conduit, bien au-del� des �v�nements individuels dramatiques pour les personnes et leurs familles, � la cristallisation du d�bat sur l'ensemble des relations du travail. L'attention s'est alors port�e sur l'existence r�elle ou suppos�e de tensions au sein du monde du travail fran�ais.
En effet, les indicateurs internationaux r�v�lent une anomalie du mod�le fran�ais de gestion de l'environnement professionnel. Notamment, les travailleurs fran�ais sont globalement plus insatisfaits de leur emploi que leurs pairs europ�ens, et sont m�me parmi les plus stress�s au monde, selon diff�rentes enqu�tes internationales et convergentes.
Par exemple, selon l'enqu�te International Social Survey Program de 2005, la France est l'endroit o� le plus de salari�s d�clarent que leur emploi les stresse parmi 32 pays d�velopp�s !
Le constat semble d'autant plus paradoxal que selon de nombreux indicateurs objectifs, les conditions de travail sont en apparence favorables aux salari�s : par rapport aux Europ�ens, les Fran�ais travaillent moins d'heures, sont moins souvent mobilis�s le week-end et ont g�n�ralement des rythmes de travail moins soutenus.
Selon une autre enqu�te de 2005 sur les conditions de travail en Europe, plus de 70 % des travailleurs d�clarent m�me que le travail a une incidence sur leur sant� � cause du stress, ce qui place la France dans le premier tiers europ�en.
SP�CIFICIT� FRAN�AISE
Cette sp�cificit� fran�aise est plus particuli�rement marqu�e dans les petites entreprises (de 10 � 49 salari�s) o� cette proportion atteint 73 %, contre 66 % en moyenne en Europe, et surtout dans les grandes entreprises (plus de 250 salari�s) o� la proportion atteint 83 %, contre toujours 66 % dans le reste de l'Europe. En revanche, les entreprises de taille interm�diaire se situent dans la moyenne europ�enne.
Cette apparente anomalie entre la perception des salari�s et les conditions dans lesquelles ils travaillent s'explique en partie par le d�ficit de dialogue au sein de l'entreprise fran�aise, qui est nettement plus marqu� que dans les autres pays : les salari�s estiment parfois ne pas pouvoir compter sur l'aide de leurs managers, regrettent aussi le manque de soutien de leurs coll�gues et, dans les petites et moyennes entreprises (PME), disent ne pas pouvoir compter sur leurs syndicats et ont souvent peu de contacts avec des repr�sentants du personnel.
Si la situation au sein des PME peut s'expliquer en partie par la faible repr�sentation syndicale, cela ne peut rendre compte du stress dans les grandes entreprises. Sur ce dernier point, notre analyse est que le co�t �lev� des licenciements �conomiques pour les grandes entreprises a conduit de facto � une surutilisation du licenciement pour motif personnel au d�but des ann�es 2000 et a contribu� � d�t�riorer le climat social dans les entreprises les plus en difficult�.
Cela les a aussi conduits � privil�gier l'�valuation du travail par des objectifs chiffr�s plut�t que qualitatifs, ce qui p�se en retour sur le stress des salari�s. La r�forme de la rupture conventionnelle de 2008 a partiellement enray� ce ph�nom�ne de recours au licenciement pour motif personnel.
Pour am�liorer les relations au travail, des r�formes ambitieuses du code du travail sont n�cessaires. Malgr� une inflation de textes (il existait en France en 2011 pr�s de 5 000 textes l�gislatifs ou r�glementaires, d�crets ou accords de branche, � comparer avec 3 097 en Belgique, 2 073 au Canada et 681 en Suisse) et une fr�n�sie de r�formes puisque plus de 2 400 de ces textes ont �volu� depuis 2000, le code du travail, en effet, ne prot�ge pas les salari�s.
Ces n�cessaires r�formes ne peuvent cependant pas �tre men�es une par une. Car le pass� a montr� qu'elles restent tr�s partielles et �loign�es des objectifs initiaux.
Pour lutter contre le stress, la cl� est la mobilit�, et les r�formes devraient porter en priorit� sur les dispositifs permettant d'accompagner les mobilit�s professionnelles des salari�s, afin qu'elles jouent leur r�le d'assurance contre les situations de conflits ou de d�saccord.
En mati�re de formation professionnelle, il faut inciter financi�rement les entreprises � jouer le jeu du d�veloppement et de la transf�rabilit� des comp�tences d'une entreprise � l'autre ou d'une branche � l'autre.
La rupture conventionnelle, r�cemment critiqu�e pour son co�t, est un moyen de rompre les situations bloqu�es entre un salari� et son employeur dans un march� du travail insuffisamment fluide - son principe, moyennant des adaptations, ne devrait pas �tre remis en cause tant que le reste du code du travail entra�ne les situations de tension.
Il faut aussi poursuivre la transformation des droits acquis au titre de l'exp�rience professionnelle : ceux-ci doivent �tre non pas bas�s sur l'anciennet� dans l'entreprise, mais refl�ter toute la carri�re des salari�s.
Enfin, nous appelons � une r�flexion sur la surutilisation des indicateurs chiffr�s de performance, et sur la persistance de structures hi�rarchiques fig�es et autoritaires, g�n�ratrices de stress. La multiplication des dispositifs l�gislatifs et r�glementaires contre le harc�lement moral ne sont, en revanche, pas efficaces et ne constituent pas une piste viable de r�gulation.
Le quinquennat qui commence devrait d�buter par une large r�flexion sur le diagnostic d'�chec du code du travail, et viser � adapter celui-ci au XXIe si�cle.